D’ordinaire, la création artistique est le privilège des sociétés paisibles. La fameuse pyramide de Maslow établit une hiérarchisation des besoins, où la culture et la créativité ne sont envisagés qu’après avoir l’assurance de la satisfaction de nos besoins fondamentaux, tels le bon fonctionnement de nos facultés physiologiques et notre sécurité matérielle.
On ne s’attend donc pas trop à rencontrer des œuvres d’art en temps de guerre, encore moins sur la guerre elle-même. De plus, l’artiste nécessite souvent du recul avant de réaliser sa création.
Pourtant, depuis l’attaque du Hamas sur les localités israéliennes du pourtour de la bande de Gaza le 7 octobre 2023, nous assistons à une multiplication des expositions consacrées à cette actualité brûlante.
L’art, plus contemporain que jamais
Au Musée d’art de Tel-Aviv, une première exposition, déjà terminée, Shemini Atseret, avait mis en valeur une sélection d’œuvres des collections existantes du musée, reconsidérées dans le contexte actuel.
Actuellement, vous pouvez voir dans ce musée la monumentale œuvre Cascade. Elle est constituée de 1300 chaînettes en métal, suspendues au plus haut point du musée et s’arrêtant juste au-dessus de vos têtes. Elles rappellent les chaînettes dotées d’une plaquette, portées par de nombreux israéliens pour garder le souvenir des otages près de soi. Une expérience immersive et vertigineuse.
L’esplanade du musée, constituant aujourd’hui « la Place des otages » et devenue un site incontournable des visites guidées de Tel-Aviv, et compte également de nombreuses créations exprimant ce que traverse Israël depuis l’éclatement de la guerre.
Temps de guerre, temps de paix
Toujours à Tel-Aviv, le musée du peuple Juif ANU abrite l’exposition appelée sobrement « 7.10 ». Elle réunit des œuvres postérieures au 7 octobre et s’y rattachant explicitement ainsi qu’à la guerre en cours, aux côtés de créations antérieures au massacre, mais réalisées par des habitants – certains devenus victimes – de la région touchée, et parfois nouvellement éclairées par l’actualité douloureuse.
Penser et panser à Jérusalem
La scène culturelle de Jérusalem offre elle aussi diverses opportunités de réfléchir la période que nous vivons par les arts graphiques.
Le Musée des pays de la Bible a reçu de nombreuses créations pré et post-7 octobre, et les a disposées dans l’espace, au fil ses différentes collections. Cette exposition nommée Éclat de la tempête est un assemblage d’abord déroutant, entre sarcophages, statuettes et inscriptions antiques d’une part, et peintures et sculptures contemporaines d’autre part. Mais peut-être cela nous rappelle-t-il que l’histoire contemporaine d’Israël s’inscrit dans la longue histoire du peuple de la Bible ?
Dans la même enceinte, on ne manquera pas de visiter l’exposition KUMA, qui présente l’œuvre fascinante d’un jeune artiste, étudiant en yeshiva (institut d’études juives) et soldat, mort au combat après le 7 octobre. Il nous a légué un travail époustouflant dans lequel il retrace l’histoire de l’humanité et d’Israël sur un rouleau où d’innombrables éléments constituent une fresque épique qui force l’admiration et qui en dit long sur les convictions et la perspective qui habitent les combattants d’Israël.
Plus proche des environs où s’effectuent les visites guidées à Jérusalem, le Musée d’art juif Hechal Shlomo expose Second tour, qui nous fait découvrir la manière dont un artiste revisite ce qu’il a vécu et vu pendant une longue période de combat à Gaza. Israël est peut-être le seul pays au monde où un artiste, peintre, acteur ou chanteur, peut se retrouver rapidement armes à la main, dans une situation si différente de son environnement naturel.